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31 janvier 2013

Cécilia Dutter : I have a Savannah Dream

Cécilia Dutter, Prix Oulmont de la Fondation de France pour Lame de fond, parle de son nouveau roman, Savannah Dream, paru chez Albin Michel.
Dans ce thriller amoureux à haute charge érotique, elle convoque ses thèmes fétiches, jusqu'à présent traités séparément dans sa bibliographie : le désir, l'amour, la philosophie et la spiritualité. Comment tout cela peut-il faire bon ménage?
Réponses en images.

Cécilia Dutter, Savannah Dream, Albin Michel 216 p., 16 €

Pour en découvrir davantage sur l'auteur, visitez son site officiel.






29 janvier 2013

Un auteur indépendant se présente : Charlie Bregman



La rubrique « Un auteur indépendant se présente » est un espace d’expression et de visibilité pour tout auteur indé qui le souhaite. Ici, chacun a carte blanche pour parler de ses œuvres, de son univers, de son parcours, de ses projets, et de l’édition indé.
De ça et du reste, puisque l'indépendance, c'est la liberté.
Merci à Charlie Bregman pour sa contribution.

© Charlie Bregman
MES OUVRAGES
J’ai 38 ans, mais je suis ce que l’on peut appeler un « jeune » auteur, parce que je n’ai à ce jour publié qu’un seul roman. J’écris pourtant depuis l’âge de 13 ans. Mon professeur de français de l’époque avait réussi à nous donner le goût de la lecture en nous imposant un recueil de nouvelles de science-fiction au sujet des voyages dans le temps. Elle nous avait demandé, en fin d’année, une fois le conseil de classe passé, de nous adonner à ce genre d’exercice. Le fait de ne pas avoir à être noté pour cette rédaction m’avait particulièrement libéré, et j’avais alors rendu un texte de seize pages manuscrites, ce qui ne m’était jamais arrivé auparavant.
À partir de ce moment-là, l’amour de l’écriture ne m’a plus jamais quitté, même si parfois, par la force des choses, il y a eu des périodes beaucoup moins prolixes que d’autres. Parce que les impératifs de la vie ne nous laissent parfois guère de temps pour nous consacrer à ce qui nous anime pourtant au plus profond des tripes. C’est comme ça. L’écriture ne tolère que très peu les infidélités. Et ce n’est que depuis quelques mois que j’essaie de réduire mon investissement en tant que professionnel indépendant de l’architecture au profit d’une plus sérieuse réalisation de mes multiples projets en cours.
En revanche, une chose est sûre, de tout ce que j’ai pu écrire auparavant, rien ne sortira de mes tiroirs en l’état actuel. Ce sont des écrits trop personnels, pour la plupart, et surtout beaucoup trop sombres, de manière générale. Le fait de vouloir partager un texte avec un lecteur, pour moi, revient à lui apporter de l’énergie, quelque chose de l’ordre de l’onde positive, de l’escapade. Bref, une bouffée d’oxygène. La vie est parfois bien assez compliquée comme ça pour qu’un livre nous invite à noircir encore le tableau.

MON UNIVERS LITTÉRAIRE
Si j’ai été un grand lecteur, je le suis beaucoup moins depuis une dizaine d’années. Par manque de temps, car je suis un vrai passionné dans ce que je fais (architecture, design, écriture…) et aussi parce que je ne veux pas passer à côté de la vie de famille (j’ai deux filles de moins de dix ans, et je ne veux pas regretter de ne pas avoir su passer assez de temps avec elles quand il sera trop tard). J’ai donc le sentiment réel, à côté des autres auteurs, d’être un véritable inculte. Rien que pour l’anecdote, je n’ai pas encore lu un seul Houellebecq. Aucun auteur n’osera jamais avouer une chose pareille. Moi, si. Je joue carte sur table. Je ne suis pas un crack, je n’ai pas d’opinion sur tout. Si j’écris, ça ne fait pas de moi un ténor. Je ne le fais que parce que j’ai des choses à dire et à partager. Mais je tiens une liste de tout ce qu’il me faut absolument rattraper, et je m’y attelle.
Dans ma bibliothèque, il y a de tout. Mes auteurs préférés appartiennent plutôt aux classiques : Dostoïevski, Kafka, Buzzati, Saint-Exupéry… Je suis aussi un inconditionnel de Marcel Pagnol, de Mark Twain et de Jules Verne. Les auteurs qui m’ont donné le goût de la lecture étant enfant ont définitivement gagné mon admiration.
Chez les auteurs plus contemporains, mes lectures correspondent à mon humeur du moment, parfois légères, parfois plus « musicales » (j’attache beaucoup d’importance au choix des mots, aux sonorités dans une phrase et au rythme du texte), parfois plus intellectuelles. J’aime Amélie Nothomb, pour son style percutant, son sens aigu du mot incisif, et aussi pour son autodérision (ses textes d’inspiration autobiographiques sont à mes yeux les meilleurs). Quitte à ce que cela soit très mal perçu de la part des autres auteurs qui liront cette interview, j’affirme que je suis également fan de Bernard Werber, malgré le fait que sa musique verbale ne fasse manifestement l’objet d’aucun travail réel. J’aime son univers, sa curiosité intellectuelle et sa façon de mener des histoires parallèles entrecoupées de textes plus « éducatifs »… J’aime Dan Brown, pour sa grande capacité à tenir le lecteur en haleine. J’aime Coelho, pour son appel à plus de spiritualité. J’aime Katherine Pancol et J.K. Rowling. Je me suis évadé aussi à la lecture de quelques Marc Lévy. Un peu moins avec Musso, jusqu’à présent, mais je ne désespère pas. Je n’ai rien contre la littérature populaire. Le succès est quelque chose d’admirable, et non de honteux comme la plupart des critiques s’amusent à le laisser croire, avec parfois une mauvaise foi qui m’horripile. Certains auteurs s’évertuent à imaginer de belles histoires, d’autres, à aligner de belles phrases… Que chaque auteur écrive ce qu’il veut écrire et qu’on lui fiche la paix. Il y a trop de snobisme dans ce milieu. La littérature ne relève pas d’une élite : elle ne souffre aucune doctrine car elle n’est que partage. Si mon livre peut plaire à un critique intellectuel du monde parisien, j’en suis très honoré, mais en toute honnêteté, je le suis tout autant s’il peut plaire à ma factrice.

POURQUOI L’AUTOÉDITION ?
Quand on habite en province, que l’on n’a aucun contact au sein du milieu éditorial parisien, même si ça fait cliché de dire ça, on part avec très peu de chances de pouvoir être publié. Si, en plus, on tient compte du fait que les éditeurs prennent de moins en moins de risques à publier de nouveaux auteurs, et aussi du fait que les livres restent de moins en moins longtemps sur les rayonnages des libraires afin de laisser la place aux suivants, je trouve que ça fait beaucoup de points négatifs contre le recours aux éditeurs traditionnels. Les seuls avantages qu’il faut leur laisser pour le moment sont cependant peu négligeables : la crédibilité et la distribution.
Face à ce constat, j’ai longuement hésité et j’ai décidé de ne consulter qu’une seule maison d’édition. Après plus de deux mois de patience, leur réponse m’est revenue négative, sous forme de lettre type. Impatient de passer à d’autres projets, et aussi peu désireux de dépenser des fortunes en frais d’impression et d’envois, j’ai aussitôt décidé de me lancer dans l’autoédition. D’abord pour le plaisir de pouvoir décider moi-même de l’apparence générale du bouquin et en dessiner la couverture, mais aussi pour l’aventure et surtout l’ivresse de la liberté.
En autoédition, quand vous avez envie d’écrire que votre personnage en a marre et qu’il va se « pieuter » au lieu de se « coucher », personne n’est là pour essayer de vous convaincre de corriger votre langage. D’ailleurs, quand vous êtes énervé, vous, vous allez vous pieuter, ou bien gentiment vous coucher ?

LES DIFFICULTÉS RENCONTRÉES
J’ai jusqu’à présent rencontré deux types de difficultés : d’abord techniques, puis ensuite partenariales.
J’ai passé beaucoup de temps à régler mes différentes mises en page. Par souci de bien faire, la publication de mon premier roman a été le résultat d’un long parcours. J’ai d’abord publié l’intégralité du premier brouillon sur un blog, en collaboration avec un illustrateur. Cela m’a permis de tester les réactions des lecteurs en « live », et aussi de m’obliger à des impératifs quotidiens d’écriture. Ensuite, une correctrice professionnelle a mis le nez dans le manuscrit, ce qui n’était pas du luxe, car en plus des fautes d’orthographe qu’on laisse toujours passer, il y avait beaucoup de règles d’orthotypographie que j’ignorais, comme celles qui régissent le fait d’écrire certains mots entre guillemets plutôt qu’en italique, par exemple. Comme j’ai effectué une première impression papier « test », d’une quarantaine d’exemplaires, suite à laquelle j’ai dû changer d’imprimeur pour des contraintes liées aux coûts de fabrication d’un nouveau tirage de 300, cela m’a demandé deux mises en pages différentes. Ensuite, il a fallu créer un nouveau fichier pour la version numérique. J’ai galéré pendant quelques temps avant de pouvoir rendre accessible ma table des matières aux utilisateurs d’Amazon. Plus récemment, l’ouverture d’un compte pour pouvoir publier sur l’iBookStore d’Apple m’a obligé à faire appel à mon ami Rémy Giemza, auteur du roman La Trillionnaire, qui a eu beaucoup de succès sur cette plate-forme. Les journalistes semblent tout faire pour que le travail d’autoédition soit assimilé à un clic un peu trop facile dans la tête des consommateurs, mais ce n’est pas le cas. L’autoédité est souvent seul face à ses problèmes. Aucune aide technique ni commerciale de la part des plates-formes de distribution habituelles.
Concernant les difficultés humaines, il y a bien évidemment le gros manque de crédibilité dont souffrent les autoédités, comparativement aux autres. Je savais que cela allait me demander un peu d’énergie, mais je sous-estimais complètement le manque d’ouverture d’esprit des libraires. Moi qui pensais que ces gens s’intéressaient avant tout aux livres, je me suis trompé. Les rares que j’ai osé aborder n’étaient pas du tout enclins à sortir des sentiers battus. Demander à un libraire s’il prend parfois des ouvrages autoédités en dépôt-vente revient à lui tendre une perche pour vous faire battre.
Je trouve cela dommage, car s’il est exact que certains auteurs indé n’hésitent pas à publier leurs pires brouillons sans le moindre état d’âme (je ne vous parle même pas des problèmes d’orthographe, de conjugaison et de syntaxe), d’autres ouvrages, plus sérieux, méritent vraiment qu’on leur laisse une chance.

MES SUCCÈS
Mon avant-première publication papier a été un succès. Les retours des lecteurs étaient tous très positifs et encourageants, et je les remercie encore pour leur soutien car je ne sais pas si je serais allé plus loin dans le cas contraire. Parmi eux, il y avait quelques animateurs de blogs de lecture, et aussi trois auteures : Gwënola Guillou, hélas décédée (elle était l’auteure d’un livre pour enfants intitulé Les Aventures de Zébu Chaton au Viet-Nam), Marie Fontaine (auteure de Gemini, Je suis venue vous e-dire…), et Sophie Adriansen (De Funès, regardez-moi là, vous !) qui est également membre de plusieurs jurys littéraires. Le fait d’avoir pu bénéficier d’un retour très positif de la part d’une habituée des jurys littéraires, qui était au départ, de surcroît, très réticente à l’idée de découvrir le roman d’un autoédité, a été pour moi quelque chose de très valorisant.
Ces différentes critiques de lecture ont été un bon moyen de faire connaître le livre, car je n’avais alors pas encore mis au courant mon entourage de mon activité d’auteur.
Petit à petit, ma visibilité sur Internet m’a permis d’être contacté par un agent littéraire et plusieurs éditeurs numériques. Mais les choses tardaient à se concrétiser, même avec eux, et j’ai donc décidé de publier au format numérique par moi-même, un an après la publication papier.
Mon roman a figuré parmi la sélection d’ebooks à découvrir de la dixième newsletter du Kindle Direct Publishing d’Amazon. Lors des campagnes de promotion gratuites de cette même plate-forme, il s’est retrouvé classé numéro 1 des ventes en « Livres pour la Jeunesse », et 6e du classement toutes catégories confondues.
Mais ces résultats en apparence très encourageants ne m’ont permis d’atteindre que la 676e place des meilleures ventes d’Amazon, ce qui est absolument insuffisant pour obtenir la visibilité que l’on aimerait avoir au sein des différentes catégories de ce site.

MES ATTENTES
J’espère beaucoup de la Saint-Valentin qui arrive, car mon roman se prête bien à une déclaration d’amour accompagnée d’une boîte de chocolats ou d’un bouquet de fleurs. J’essaie donc de communiquer au maximum autour de cette idée, même si je suis un pitoyable commercial. Autant je rêve que mes écrits aient du succès, autant je ne souhaite pas devenir célèbre, car je trouve qu’à petite échelle le fait d’être devenu un « auteur » aux yeux de certains a changé pas mal de rapports, et pas forcément de manière positive. J’attends donc des publications numériques qu’elles puissent m’aider à payer mes factures, mais l’idéal pour moi serait qu’elles le fassent tout en me permettant de rester en retrait…

MES PROJETS
Plusieurs projets sont en cours, en vue de publications numériques principalement. La plupart sont des nouvelles, d’inspirations variées. Un deuxième roman est en cours d’écriture, dans le cadre d’une quadrilogie dont Vivement l’amour serait le premier tome. Un recueil de textes plus « légers » est envisagé dans un avenir plus proche, sur un ton plus humoristique et décalé que les autres.

L’AVENIR DE L’AUTOÉDITION
Si j’étais libraire, je commencerais d’ores et déjà à me préoccuper de mon avenir avant que les éditeurs traditionnels en arrivent à des choix qui me laissent au bord du chemin.
Je pense que l’autoédition est en train de devenir un adversaire de taille pour l’édition traditionnelle, et cela grâce aux formats numériques.
Pour le moment, la lecture sur support papier a encore ses fervents défenseurs, mais dans les années à venir, au regard du nombre de tablettes commercialisées en fin d’année 2012, les choses vont commencer à évoluer. Le virage est amorcé, et même si les vieux camemberts que nous sommes ont toujours un long train de retard sur les États-Unis, cette révolution aura lieu.
Là où les autoédités sont en train de prendre l’avantage, c’est sur le terrain du prix. Beaucoup d’éditeurs en place voient le numérique comme une occasion de plus de se faire beaucoup d’argent sur le dos des auteurs. Ce n’est pas normal qu’un ebook soit vendu pratiquement au même tarif qu’un livre papier, pour lequels il y a un coût réel de fabrication, de distribution, et de part réservée aux libraires, sans que les droits d’auteur n’augmentent pas en conséquence. À moins d’être de sérieux escrocs, la plupart des autoédités ont conscience de cette réalité, pour des tarifs de trois à sept fois inférieurs à ceux des éditeurs… pour le plus grand plaisir des consommateurs.
Grâce à ces tarifs très attractifs, certains auteurs commencent vraiment à démontrer que l’autoédition n’est pas forcément incompatible avec le talent. En témoigne le succès actuel d’Agnès Martin-Lugand (Les gens heureux lisent et boivent du café), qui est, je pense, une bouffée d’espoir pour l’ensemble des autoédités, puisque je crois que c’est l’une des premières fois que cela arrive en France.
En plus, depuis quelque temps, des mouvements de solidarité entre auteurs autoédités font leur apparition, et je pense qu’à long terme nous verrons émerger des sortes de labels indépendants, garants d’une certaine qualité aux yeux des lecteurs.
Vous voulez plus de news à propos de l’autoédition ? Rendez-vous chez Bruno !
Étant donné qu’aucun réseau de distribution ne semble s’intéresser à nous, nous sommes bien partis pour nous serrer les coudes et nous aider les uns les autres.
Le XXIe siècle sera communautaire ou ne sera pas.


MES PAGES DE VENTE
Le site officiel de Vivement l'amour

27 janvier 2013

L'œuvre hypermédia : un concept baudelairien


Entretien avec Marc-André Fournier, créateur de la première heure d'œuvres hypermédia.


Tu es l’auteur de plusieurs guides culturels pour découvrir l'Italie et la France, en suivant les traces de Léonard de Vinci et Michel-Ange. Tu qualifies ces livres d’« hypermédia », là où de moins savants parleraient de livres enrichis ou augmentés. Explique-nous en quoi consistent tes ouvrages et ce qu’est un livre hypermédia. Quelle est la philosophie, la vision de l’art que tu défends derrière ce concept ? Quel est l’intérêt de l’hypermédia ?
Les Guides MAF obéissent à deux lignes conductrices. La première est un vers de Baudelaire : « Les parfums, les couleurs et les sons se répondent. » Autrement dit, toutes les branches de la culture (littérature, musique, image, etc.) sont amenées à se répondre et non plus à se développer en snobant les autres. La seconde est qu’il n’existe pas de primat d’une discipline sur une autre. Une chanson peut être le pivot d’un développement spécifique ; les textes et les images – animées ou fixes – sont alors au service de cet « art mineur », pour reprendre Gainsbourg.
Ni savant ni science, dans cette approche, seulement expérimentateur et expérimentation. Il est difficile pour un non pratiquant de qualifier, de distinguer des approches dont le résultat, à première vue, semble identique.
Pour être plus précis, un livre enrichi est d’abord un livre écrit pour un support – disons papier, par facilité – auquel on ajoute, hors de son écriture,  des illustrations sonores ou picturales.
Un livre hypermédia est réalisé – et non écrit – dès son processus de création, dès sa phase immatérielle. Ensuite, c’est juste une question d’outils.

Enrichis-tu toi-même le contenu de tes livres ou recours- tu à d’autres compétences ?
Je fais tout tout seul. Une exception pour les vidéos. Je ne suis pas cinéaste et j’ai parfois recours aux documents numérisés sur Gallica ou Europeana. Mais là encore, il faut les retravailler pour une mise au format ou couper des scènes ; un travail de montage en somme.

Jacques Arcadelt
De quelle manière le livre hypermédia modifie-t-il le travail de création ?
Franchement, je ne sais pas, car dès le départ, c’est-à-dire en 2006, j’ai pensé multimédia.
Stendhal nous dit : « Pour comprendre Michel-Ange, il faut se faire citoyen de Florence en 1499. » O.K., mais comment écarter de cette approche la musique ? Un exemple : dans ses lettres, le sculpteur – qui est aussi l’un des plus grand poète de l’Italie – se dit ravit de la mise en musique de ses poèmes par Jacques Arcadelt [1] La seule écriture est impuissante à rendre cette ambiance culturelle ou populaire dans laquelle baignaient Léonard de Vinci et Michel-Ange, dans laquelle nous baignons. Si j’écris « Pure and Easy [2], de Pete Townshend, est un manifeste hypermédia », en dehors des fans des Who, et encore, personne ne va comprendre. La lecture des paroles va nous éclairer, mais son écoute sera encore plus puissante à performer cette assertion.

Aujourd’hui, 24 janvier 2013, sur quels supports de lecture numérique peut-on lire des livres hypermédia ?
On pense tout de suite à l’iPad. Le moteur de rendu d’Apple, iBooks, lit les formats ePub avec vidéos et musiques et le format maison, Authors, spécifiquement développé pour ce type d’écriture. Il est possible, sur PC et Mac, de lire avec Acrobat des PDF hypermédia.
Il existe, je crois, une application pour iPad capable aussi d’un tel rendu, mais je ne me souviens pas du nom.
Concernant KF8 et le Kindle, c’est paraît-il possible, mais je ne sais pas faire. Mes balises vidéo et musique ne sont pas reconnues. De plus, au-delà de 50 Mo, KDP nous rejette. Et 50 Mo, ce n’est rien.

Quelles sont les limites techniques, à ce jour, du livre hypermédia ? Que peut-on faire, que ne peut-on pas faire ?
Pour le moment, je suis loin d’avoir atteint les limites techniques des protocoles et formats d’ePub ou iBooks. Mes compétences techniques et mes ressources pécuniaires sont plus pénalisantes. J’aimerai par exemple intégrer des séquences de jeux. Possible, pas possible, je ne sais pas, mais cher, c’est sûr.

Alde Manuce
Quel est le coût de fabrication d’un livre hypermédia ? À ce propos, parle-nous de la présence de publicité contextuelle dans tes livres, ce qui va faire hurler tout le monde.
Les guides sont longs et chers à produire (dizaines de milliers d’euros, en temps passé). C’est juste un peu plus long et un peu plus cher à réaliser. Intégrer une musique existante, avec la permission des interprètes – pour les compositeurs, dans mon cas, ils sont morts depuis longtemps –, ce n’est pas un budget faramineux, juste du temps.
J’écris en couleurs aussi, le noir pour moi, le bleu pour les citations, le violet pour Léonard, une autre couleur pour Michel-Ange. Ce n’est pas plus cher. Cela permet d’éviter « Léonard a dit, écrit, souligné, etc. » On y gagne en fluidité d’écriture, en enrichissement ;-). J’ajoute même des pictogrammes pour caractériser les intervenants, les armes du pape pour Pie II, par exemple. Les gens aiment bien.
La pub dans les livres, c’est vieux comme les livres. Manuce [3], au XVIe siècle, y avait déjà recours. Pour le moment, deux titres à mon actif incluant de la publicité et aucun hurlement parvenu à mes oreilles.  Cette expérience reste encore confidentielle.
Le lectorat veut du gratuit, et les auteurs veulent vivre de leur passion, la publicité est une solution. Personne ne rejetterait l’Énéide de Manuce, au prétexte de la présence des pages publicitaires qu’il y a lui-même introduites, dans sa version d’origine, donc, en 1501 ! Humaniste et homme d’affaires…
Si l’approche publicitaire n’est pas trop intrusive, si elle est pratiquée avec intelligence, on devrait pouvoir satisfaire tout le monde, les libraires y compris. L’idée est que l’annonce ne dégrade pas le texte mais le valorise ou le complète, comme par exemple l’insertion de la vidéo de Baumgartner, dans mon ouvrage Milan, visites avec Léonard.

Quels sont les développements envisageables ? Jusqu’où peut-on rêver ?
Les limites sont celles de notre imagination, bridée certainement par nos connaissances techniques… ou notre porte-monnaie. J’aimerais par exemple voyager au sein des tableaux, une sorte de « reverse engineering » de la perspective linéaire. Techniquement, c’est sûrement faisable, des gens savent ; pécuniairement, c’est une autre histoire.

L'ombre de MAF (DR)
Pour quelles raisons as-tu décidé de présenter tes ouvrages en auteur indépendant ? Les as-tu d’abord montrés à des éditeurs traditionnels ?
Si on revient 7 ans en arrière, je n’imaginais pas un éditeur miser un kopeck sur un illustre inconnu, projetant de réaliser un guide hypermédia avec pour fil conducteur Léonard. Je suis allé voir Michelin avec un guide tout fait (un PDF sur CD) pour proposer un partenariat. Réponse : « Non, ce n’est pas à l’ordre du jour. »
Aujourd’hui, la réponse serait la même, mais avec une argumentation différente.

Quels sont les avantages, pour toi, à être un auteur indé ? Quelles sont les difficultés ou les inconvénients ?
La liberté. La voie est évidemment plus dure, quoique. Proust a bien été refusé par la NRF, alors.  On évite les forbans aussi, et il en existe quelques-uns dans la profession.
Le manque de notoriété est le principal obstacle. MAF ou Guides MAF, qui connaît ? Asseoir sa notoriété demande beaucoup de boulot, de l’entregent, de la patience.
Si votre nom est accolé à une maison prestigieuse, toute sa puissance vous accompagne, même si c’est de la daube ;  on a tous des titres en tête.
Mais vendre de la daube en étant indépendant, c’est mission impossible. Cette position ne supporte pas la médiocrité. La critique et les lecteurs devraient y réfléchir avant de rejeter un travail fourni par un tel auteur.

Accepterais-tu d’être édité, si l’occasion se présentait, par un éditeur traditionnel ?
Non.
J’accepterais volontiers de vendre le catalogue et good bye. Faites-en ce que vous voulez, et je ferai de même de votre argent.

Où peut-on découvrir des extraits de tes livres, où peut-on se les procurer ?
Découvrir possède un double sens. Le lecteur doit effectivement partir en quête. Une requête sur Léonard ou Milan peut parfois donner des résultats surprenants. La visibilité des Guides MAF sur l’iTunes Store, même dans l’espace iBooks Author, est loin d’être évidente. Idem pour les libraires d’ePagine ou Immateriel. Mais parfois Christophe G. ou Alexis L. détournent le flux du main stream « culturel », prennent un risque et mettent en avant un titre.
Seul Apple offre des extraits hypermédia avec le format maison iBooks Author.

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[1] Compositeur franco-flamand (1507-1568) de la Renaissance. Plus de détails (en anglais) sur son lien wikipedia
[2] Écouter la chanson
[3] Alde Manuce (1449-1515), imprimeur-libraire vénitien, véritable inventeur du livre de poche et diffuseur de la culture humaniste en Italie. Plus de détails.